Conférence du mercredi 6 novembre 2024, par le docteur Frédéric Farrugia
Ce mercredi 6 novembre nous recevions le Dr Frédéric Farrugia, médecin « de ville », membre du conseil départemental de l’Ordre, pour une conférence sur l’évolution de la médecine depuis le début du siècle du point de vue de la recherche fondamentale mais surtout de l’accès aux soins et de la pratique. En fait le docteur est venu nous faire part de son expérience.
Premier point abordé, les difficultés de l’accès aux soins dans un département considéré comme un désert médical, y compris dans l’agglomération troyenne. Chacun a été confronté au problème du manque de médecins aussi bien spécialistes que généralistes. La plupart des médecins qui partent en retraite ne trouvent pas de successeurs. Pourtant le fameux numerus clausus a été remplacé en 2019 par un numerus apertus censé mieux adapté aux besoins, mais rien n’y fait.
Les jeunes médecins sont plus nombreux et mieux formés par l’ajout d’une quatrième année de 3e cycle en médecine générale qui se traduit par des stages obligatoires chez les médecins de ville avec l’idée d’une future installation. Pourtant très peu sautent le pas, préférant un emploi salarié moins contraignant si bien que le conférencier en vient à poser le délicat problème de la coercition qui existe dans d’autres professions. Le docteur rappelle que la médecine est au service de la population.
En attendant il faut pallier par la téléconsultation ou en faisant appel aux médecins retraités et à des auxiliaires médicaux formés spécifiquement tels que les infirmières Asalée ou IPA.
Tout médecin peut pratiquer la consultation à distance, il existe une cabine publique dans un magasin en ville, la pratique peut se révéler très utile en cas de pandémie ou pour atteindre des lieux très isolés mais elle atteint surtout très vite ses limites. Rien ne vaut le contact direct entre le patient et son médecin qui est là pour « soigner les gens », le docteur répète plusieurs fois la formule, et pas seulement les maladies. De toute façon, la pratique est très encadrée et ne doit pas être exclusive, le parcours de soin doit être respecté et le patient ne pourra obtenir par ce biais de congé de maladie supérieur à trois jours.
Le principal palliatif reste le transfert de compétence vers des auxiliaires médicaux spécialement formés tels que le pharmacien désormais habilité à vacciner sans ordonnance médicale et à soigner certaines affections, ainsi qu’aux sages-femmes ou aux infirmières. Le docteur explique longuement le dispositif Asalée qui organise un binôme entre un médecin et une infirmière pour une meilleure prise en charge du patient, lui-même acteur de sa thérapie.
Au prix de deux ans de formation supplémentaire une infirmière « en pratique avancée » (IPA) peut pratiquer certains actes tels que l’interprétation de résultats médicaux ou la prescription de certains médicaments ou examens.
Après avoir déroulé une très longue liste de médicaments devenus introuvables et évoqué le retour de certaines maladies infectieuses telles que la coqueluche, la rougeole, la poliomyélite ou même la peste, retour dû pour l’essentiel à un déficit de vaccination, le Dr Farrugia insiste sur les bienfaits des vaccins qui ne semblent plus évident pour tout le monde.
Il poursuit sur une note plus optimiste en rappelant les progrès accomplis en oncologie. Aujourd’hui 58 % des cancers trouvent une issue en rémission. Le taux atteint ou dépasse 90 % pour les cancers du sein, de la thyroïde ou de la prostate.
Il en vient ensuite aux découvertes récentes et très prometteuses en génétique, en particulier le CRISPR/Cas9, acronyme compliqué pour désigner des « ciseaux génétiques » capables de couper l’ADN à un endroit précis du génome, dans n’importe quelle cellule pour corriger, inactiver, ou insérer avec précision une séquence ADN. Cette découverte qui a valu le prix Nobel de chimie à ses découvreuses en 2020 permet par exemple de soigner certaines affections musculaires congénitales. Autres découvertes fondamentales, les nanorobots qui permettent de cibler la délivrance d’un médicament au plus près d’une tumeur ou le fameux ARN messager qui a connu son heure de gloire avec la mise au point rapide de vaccins contre la covid-19.
Il conclut en évoquant l’inévitable intelligence artificielle (IA) et en nous invitant à rester confiants dans l’avenir, optimisme pas entièrement partagé par un collègue auditeur qui, évoquant le retour d’une certaine précarité, se demande s’il ne serait pas nécessaire de recréer les dispensaires de soins…