Conférence du 14 février 2024 par M. Tom Dutheil, Conservateur au musée de la Légion d’honneur et des ordres de chevalerie

Notre collègue Gilles Aubagnac, cheville ouvrière de ce « mini-cycle » consacré aux médailles et décorations, présente le conférencier, grand spécialiste de phaléristique. Venu à Troyes récupérer les pièces prêtées pour l’exposition Le Théâtre des honneurs organisée à l’occasion du 60e anniversaire de la création de l’ordre national du Mérite, M. Dutheil en profite pour nous expliquer l’histoire et la symbolique du bleu dans les décorations, non sans faire référence à l’ouvrage de Michel Pastoureau intitulé, Bleu, histoire d’une couleur.

Si l’histoire des distinctions a été assez bien étudiée, celle de la symbolique beaucoup moins, d’où l’intérêt de cette conférence. M. Dutheil n’hésite pas à nous confier qu’en ce domaine beaucoup de questions restent sans réponse si ce n’est de belles légendes comme celle concernant l’ordre anglais de la Jarretière, représenté par une croix rouge sur fond bleu.

La phaléristique est fille de l’héraldique mais s’en distingue par sa finalité. Les armoiries, apparues au 12e siècle servent à reconnaitre les combattants sur le champ de bataille alors que les ordres de chevalerie ont pour fonction d’assurer au souverain la fidélité de ses vassaux. A ne pas confondre avec les ordres créés pour récompenser les mérites personnels tels que la Légion d’honneur ou l’ordre national du Mérite.

Pour en revenir aux couleurs, le bleu est la couleur dominante bien qu’« atypique » dans l’héraldique et la phaléristique en France, M. Dutheil le fait remarquer sur les blasons figurant sur les vitraux de notre salle de séances. Le « bleu roi » a été choisi par Philippe-Auguste par opposition au rouge, pourtant couleur de la chevalerie, mais surtout celle du roi d’Angleterre. Plus tard Édouard III associera les deux couleurs sur ses armoiries et l’ordre de la Jarretière, qu’il a créé, manière de bien montrer ses vues sur le trône de France.

En 1578, pendant les guerres de Religion, Henri III crée l’ordre du Saint-Esprit pour fidéliser la noblesse catholique. Resté jusqu’à la Révolution l’ordre le plus prestigieux, son insigne se porte attaché à un ruban « bleu céleste » et ses membres ne tarderont pas à être surnommés les « cordons bleus ».

Par contraste l’ordre de Saint-Louis, créé par Louis XIV pour récompenser les militaires, a pour couleur le rouge de Mars, dieu de la guerre. Il en est de même de la Légion d’honneur fondée par Napoléon principalement dans le même but, alors qu’au départ, c’est le bleu qui a été envisagé. Mais pour les mérites civils, il crée en 1811 l’ordre de la Réunion, aboli sous la Restauration, dont l’insigne se porte avec un ruban « bleu céleste ».

En 1963, c’est le « bleu de France », ou bleu roi, qui est choisi par le général De Gaulle, après quelques hésitations, pour l’ordre national du Mérite destiné à compléter la Légion d’honneur qu’il estime quelque peu galvaudée. « Désormais, déclare-t-il, nous aurons deux ordres, l’un rouge, l’autre bleu, aux couleurs de notre drapeau. » Et c’est tout naturellement le blanc qui est choisi pour la Médaille de reconnaissance aux victimes du terrorisme créée par le décret du 12 juillet 2016, signé François Hollande, suite aux attentats de 2015.

Dans la discussion qui suit sont évoquées d’autres dimensions de la couleur bleue, la paix et la tempérance, en citant comme exemples l’Europe et l’ONU. Elle aussi devenue de fait celle de la France, du moins sur les maillots des équipes nationales. Allez les Bleus !