Les pierres se sont occupées de durcir la terre :
vite
elles ont eu des ailes :
les pierres ont volé :
les survivantes ont remonté l’éclair,
elles ont jeté un cri dans la nuit
un signe d’eau,
une épée violette,
un météore.

Quoi de plus pertinent que ces quelques vers de Pablo Neruda choisis par notre collègue Juliette Galpin, conservatrice du Muséum d’histoire naturelle de Troyes, commissaire de l’exposition, pour poser quelques définitions ? Les « pierres qui volent », principalement entre Mars et Jupiter, ce sont des astéroïdes ou météoroïdes ; quand elles entrent dans l’atmosphère à 70 000 km/h, se produit un phénomène lumineux, le météore ; enfin, quand elles « durcissent la terre », après avoir perdu 90 % de leur matière, elles deviennent des météorites. Il en tombe chaque année 5 500 tonnes sur la terre, en grande majorité des poussières de moins d’un millimètre.
Le muséum de Troyes détient la troisième collection française de météorites, en partie sortie des réserves pour cette exposition organisée conjointement avec le muséum de Paris et le musée d’art moderne de Troyes qui prête ses locaux et y a disséminé une douzaine d’ œuvres d’art contemporain sélectionnées par notre collègue Juliette Faivre-Preda, conservatrice et co-commissaire.
Comment reconnaitre une météorite ? Mme Galpin nous donne quelques clés comme la présence de métal, le plus souvent du fer-nickel, d’une croute noirâtre ou de reliefs en forme de traces de pouce laissés par les turbulences de l’atmosphère. Cependant le plus sûr reste l’analyse en laboratoire.
En France, on estime qu’il tombe en moyenne une dizaine de météorites d’au moins 10 cm chaque année, la plupart passant inaperçues faute d’observateurs. La plus ancienne chute observée en Europe s’est produite le 7 novembre 1492 à Ensisheim, provoquant une gigantesque explosion entendue dans toute l’Alsace. Elle fut interprétée comme un signe divin. Dürer en fut témoin et la représente dans plusieurs de ses œuvres. Il a fallu attendre 1803 pour que les météorites soient reconnues scientifiquement comme des objets extraterrestres suite au rapport de Jean-Baptiste Biot, astronome, physicien et mathématicien français. Cette année-là, en avril, des milliers de pierres s’abattent sur le village de L’Aigle, en Normandie. Biot rédige son rapport après une enquête de dix jours sur le terrain, notamment auprès de dizaines de témoins.
L’exposition s’organise dans des espaces délimités par des rideaux noirs. La plupart des objets sont présentés dans des vitrines et documentés par des cartels très lisibles. De nombreux panneaux didactiques conçus par Mme Galpin complètent l’information du visiteur.
Un espace est consacré aux météorites champardennaises. D’abord celle de Mont-Dieu, une météorite de fer de 95 kilos découverte en 1994 dans les Ardennes. Puis les auboises. Celle de Saint-Mesmin, une « chondrite ordinaire » dont la chute fut observée le 30 mai 1866. Décrite quelques jours plus tard par Jules Ray, conservateur du muséum, lors d’une séance de notre Société, elle est à l’origine de la très riche collection troyenne. Celle de Saint-Aubin, 175 kilos de fer et nickel avec traces de cobalt et autres métaux rares, découverte en 1968 puis étudiée scientifiquement en 2002-2003. En 2018, une grande campagne de fouilles est lancée afin sortir de terre le maximum de fragments de cette météorite et d’en établir la masse totale et l’ellipse de chute, c’est-à-dire l’espace où sont dispersés les morceaux. Opération fructueuse puisqu’elle a permis de mettre au jour, sous 50 cm de terre, un bloc de 150 kilos, que Mme Galpin est fière de présenter en exclusivité.

Impossible de tout écrire dans ce compte-rendu. Disons simplement que le visiteur se familiarise avec les différentes sortes de météorites : les « non-différenciées » appelées chondrites, agglomérat de petites billes de roche et de métal qui se sont formées au tout début du système solaire, et les autres, de fer, mixtes ou achondrites. Il apprend aussi que leur chute, au-delà du creusement de cratères parfois gigantesques, modifie les roches au point d’impact, créant impactite, tectite, verre lybique ou cône de percussion. Un squelette de tête de dinosaure lui rappelle opportunément qu’une chute de météorite est l’hypothèse la plus crédible pour expliquer l’extinction de ces reptiles il y 66 millions d’années.
« Vous n’imaginez pas ce qu’il y a dans le ciel », écrit Henri Michaux. Il s’y crée même des bijoux comme en témoignent ces lames de météorites aux couleurs chatoyantes dues à un violent impact entre un astéroïde métallique et un rocheux. Et dans les météorites, « échantillons de lointains objets célestes », on peut lire l’histoire de notre système solaire. Dans une vitrine sont présentées des achondrites découvertes dans divers endroits du monde mais identifiées comme provenant toutes de Vesta, astéroïde « exploré » par la sonde spatiale Dawn en 2011-2012.



Notre collègue termine la visite par un hommage à ses prédécesseurs du XIXe siècle Jules Ray et Adrien de Mauroy ainsi qu’à la Société académique, qui furent à l’origine de la très riche collection du muséum de Troyes, 234 météorites provenant du monde entier dont 80 présentées dans cette exposition qui a ravi la trentaine de personnes présentes, pleinement rassurées d’apprendre que jamais un être humain n’a été tué par une météorite.
M. le président n’a pas manqué de remercier chaleureusement notre collègue qui a su nous tenir en haleine pendant près de deux heures par sa grande compétence et son dynamisme.