Conférence du mercredi 7 mai 2025 par Pierre-Marie Boccard, Délégué général du festival
Une conférence ? Plutôt le témoignage d’un passionné qui peut être fier du chemin parcouru au moment de passer le relai à son successeur présent dans la salle. En effet, le festival Les Nuits de Champagne créé en 1988 par la Ville de Troyes, le Département de l’Aube et la Région Champagne-Ardenne fêtera cette année son 38e anniversaire alors que seulement 5 % des festivals analogues franchissent le cap des 35 ans.
Pierre-Marie baigne dans la chanson depuis sa petite enfance à Bourguignons où il était « capable d’écouter 18 fois la même chanson dans une journée », ce qui l’amène à la découverte du chant choral polyphonique à La Barsanelle de Bar-sur-Seine. Il a alors 18 ans. S’ensuivent le choc des Choralies de Vaison-la-Romaine, 6 000 choristes dans le théâtre antique, une semaine au Québec où la chanson est une véritable identité culturelle. Il y découvre l’harmonisation québécoise sur la chanson francophone ainsi que la proximité entre les artistes et « les gens qui chantent » par une rencontre avec Gilles Vigneault qui vient saluer les choristes qui apprennent ses chansons. C’est le déclic !
Rentré à Troyes, il crée l’association Chanson contemporaine et organise chaque année en juillet une semaine chantante qui séduit le public. À la même époque la Ville de Troyes souhaite se doter d’un festival à l’instar d’autres villes de taille analogue comme Angoulême, La Rochelle ou Bourges. Pierre-Marie Boccard rejoint le service culturel de la Ville en 1982 et en 1988 a lieu la première édition des Nuits de Champagne à l’espace Argence.
Après quatre années de « rodage » pour tester les goûts du public pendant lesquelles on a pu entendre, entre autres, Barbara Hendricks, Jean-Jacques Goldmann, Bernard Lavilliers ou Yves Duteil, le festival entame en 1993 sa « deuxième vie » en se dotant d’un projet artistique unique en France consacrant chacune de ses éditions à l’univers et au répertoire d’un auteur-compositeur qui a carte blanche pour établir la programmation. La grande nouveauté est la création du Grand choral qui clôt le festival, 900 choristes amateurs, « le peuple qui chante » en hommage à l’artiste invité qui souvent vient les rejoindre pour une ou deux chansons. Le succès est considérable. D’Étienne Roda-Gil à Pascal Obispo, en passant par William Sheller, Laurent Voulzy, Julien Clerc ou Charles Aznavour, tous les grands artistes se sont laissé séduire, même si certains ont pu d’abord se montrer réticents. En 2005 s’ajoute le Chœur de l’Aube proposé aux collégiens du département en ouverture du festival, 28 collèges participants sur 31, plus de 700 choristes, un grand moment d’émotion tant pour les jeunes eux-mêmes que pour le public.
En cours des années 2010 le concept s’essouffle un peu et en 2017 le festival entame sa « troisième vie », Au cœur des Nuits, un voyage en chansons dans un univers artistique inspiré de répertoires croisés et intergénérationnels, suivie en 2021 d’une quatrième avec un programme à deux dimensions, Des Nuits en concert et Des Nuits qui chantent. La programmation des concerts, toujours centrée sur la chanson francophone, s’ouvre aux tendances actuelles et aux sons d’un monde qui bouge en prenant en compte l’actualité artistique francophone et les attentes d’un nouveau public intergénérationnel. Dans ce cadre sont programmés chaque année entre 10 et 18 concerts-découvertes en accès libre dans les bars du centre-ville.
Dans sa deuxième dimension, Des Nuits qui chantent, aux classiques Grand choral et Chœur de l’Aube, s’ajoutent 6 autres rendez-vous impliquant 3 600 festivaliers chanteurs dont les élèves des CM1-CM2 des écoles de Troyes Champagne Métropole ou les commerçants du centre-ville, ce qui peut se résumer par cette jolie formule inspirée de Jacques Prévert, « s’entre-chanter ».
Dans le même temps, grâce aux réseaux sociaux, le festival rayonne bien au-delà du département. Ainsi une vidéo mettant en scène le chanteur ivoirien Tiken Jah Fakoly accompagné par le Grand choral a connu un succès « planétaire », totalisant 15 millions de vues.
Pour finir, après la projection de quelques vidéos, Pierre-Marie Boccard nous présente Michael Scherer, son successeur avec qui il sera en binôme cette année pour un passage de relai en douceur.
Pour notre intervenant, c’est néanmoins « un cap » et, si la passion du début demeure intacte, est venu le temps de « l’énergie de la confiance ».
