Ce mercredi, nous étions treize courageux à braver la forte chaleur pour suivre Mme Julia Boyon dans le jardin de la Cité du vitrail où se déploie l’exposition Sable Émouvant, chants de lumière au gré du verre. Pour Mme Boyon, commissaire de l’exposition, cet évènement est une première à double titre. En effet, jamais la Cité n’avait utilisé pour une exposition l’ancien jardin aux simples de l’Hôtel-Dieu-le-Comte qui offre de belles vues sur la tour de la cathédrale et les jets d’eau du bassin de la préfecture.

Devant Coton tisse (Troyes)

Et c’est la première fois qu’elle expose des photos, en l’occurrence seize clichés à vrai dire très particuliers obtenus par le procédé de la photographie intensive basé sur l’inversion des couleurs et un très long temps d’obturation, avec parfois un léger mouvement. La photo est ensuite reproduite sur une feuille d’aluminium par « subligraphie », faisant corps avec le support, si bien qu’elle peut se jouer des intempéries et s’offrir au regard dans le jardin, fixée sur une structure métallique accompagnée de deux cartels, l’un rédigé par les artistes eux-mêmes qui ont donné un titre à leur œuvre, l’autre, plus historique rédigé par Mme Boyon.

Les artistes, ce sont Christian Rizk et Julie Audic, architectes de formation pour qui la photographie était un outil de travail. Ils l’ont détournée pour en faire un moyen d’expression artistique tout à fait original. Après la Normandie où ils résident, ils sillonnent l’Aube en 2024 pour saisir les phénomènes optiques de la lumière qui traverse tour à tour le vitrail et l’appareil photographique. Leurs œuvres permettent à la lumière d’exprimer de nouveaux chants au gré du verre : sous nos yeux, les verrières se parent d’étonnantes couleurs, s’étirent, se dissolvent, tournoient.

Loin de se contraindre à une interprétation unique de leurs œuvres, les deux artistes invitent à s’affranchir des lectures conventionnelles du vitrail pour recomposer un chemin poétique et initiatique, où l’imaginaire est maître, ce qui ne les empêche pas de donner un titre à chaque photo et de nous livrer leur propre interprétation. Quant au titre de l’exposition, il fait référence à la matière première du verre et propose « un voyage entre matière et émotion » selon la formule de notre président.

Ainsi le chœur de l’abbatiale Saint-Ouen de Rouen devient le Plein jeu des grandes orgues et celui de la cathédrale de Troyes Cocon tissé tandis que sa rosace tourbillonne. Les vitraux de Bourges se transforment en tableau de Chagall, la sainte Geneviève de Jacques Le Chevallier exposée à la Cité en Statue d’ébène, l’église d’Auxon en Cabaret jazz et celle d’Ervy-le-Châtel en Excalibur à laquelle peut s’ajouter le reflet du spectateur pour former une nouvelle œuvre originale. L’exposition étant en accès libre, Mme Boyon nous invite à revenir souvent, à d’autres heures et sous d’autres ciels.

Rosace tournoyante (Troyes)
Excalibur (Ervy) et reflet du president

La visite se poursuit à l’intérieur avec le nouvel accrochage dans la galerie. En vis-à-vis de l’Arbre de Jessé de Laines-aux-bois qui fait partie de la collection permanente sont présentés quinze panneaux provenant de l’abbatiale Saint-Ferréol d’Essôme-sur-Marne (Aisne) qui évoquent des épisodes de la vie du théologien saint Augustin.

La vie de saint Augustin

Même époque, début du XVIe siècle, mais style différent notamment dans le traitement des visages beaucoup plus abouti dans l’Arbre de Jessé. Viennent ensuite une sainte Radegonde Art déco (1935) de Jean-Hébert Stevens destinée à Notre-Dame de Paris qui a été présentée dans la récente exposition La querelle des vitraux, suivie d’une Salomé du Rémois Jacques Simon, (même style, même date), baie d’essai pour l’église de Chaudardes (Aisne) en grande partie détruite pendant la Grande Guerre. Du même Jacques Simon, deux vitraux présentés au Salon des Artistes décorateurs de Paris en 1929 qui prennent la place de sa voiture lancée à grande vitesse dont la Cité s’est séparée avec regret. Ils sont intitulés Le labour et La moisson. Enfin sont présentées une série de baies d’essai pour l’abbatiale Notre-Dame d’Acey (Jura), fruit de la collaboration du peintre Jean Ricardon et du maître-verrier dijonnais Pierre-Alain Parot décédé en 2023. La peinture abstraite à la grisaille sur verre industriel dépoli dans des tons qui vont du gris clair au noir répond à la règle des Cisterciens qui veut que rien ne doit détourner le moine de sa méditation et sa prière. Un collègue fait le parallèle avec les vitraux de Pierre Soulages pour l’abbatiale de Conques.

Infatigable, Mme Boyon nous conduit enfin dans la chapelle haute où sont exposées trois baies monumentales du XVIe siècle en grisaille et jaune d’argent récemment restaurées par les ateliers troyens Belisama et Vincent-Petit. Il s’agit d’un Ecce Homo de l’église Sainte-Croix de Provins, de Luttes allégoriques entre catholiques et protestants de l’église de Pont-Sainte-Marie et de La bataille de Clavijo présentée horizontalement en attendant sa repose dans l’église Saint-Pantaléon de Troyes. Gros travail de restauration qui a consisté à enlever de multiples plombs de casse qui rendaient quasiment illisible ce vitrail qui se présente comme un véritable tableau « pleine page » rompant avec la traditionnelle disposition en registres qui se lisent de bas en haut. Flavie Vincent-Petit a dû également reconstituer deux panneaux disparus et rectifier des erreurs d’interprétation du précédent restaurateur. Félicitations à notre collègue pour ce travail tout à fait remarquable.

Voilà la Cité du vitrail bien parée pour sa saison d’été.

Pour notre part, nous sommes sortis ravis de notre visite pour laquelle le président n’a pas manqué de remercier chaleureusement Mme Boyon soulignant sa grande compétence et sa disponibilité.