Une vingtaine de personnes ont répondu à l’invitation de notre collègue Juliette Faivre-Preda, conservatrice du MAM, qui nous entraîne sur le perron dominant le jardin pour nous commenter les transformations effectuées pendant les travaux exécutés entre 2018 et 2022.

L’ancien jardin à la française a été réaménagé pour rappeler sa première vocation de potager de l’évêque tout en choisissant des fleurs aux couleurs qui font écho au Big Ben de Derain, tableau emblématique du musée. Les bronzes déposés par le Centre Pompidou en 1986 ont été complétés par des œuvres contemporaines comme ce chat d’Alain Séchas dans un onirique baldaquin de glace fondante, en résine, et ce « magnifique » pot de fleurs en polyester rouge rempli de béton qui laisse rêveur. À noter deux œuvres de Martine Martine, fille des donateurs du musée, et autant de Parvine Curie, artiste franco-iranienne qui a vécu à Troyes, autrice des portes monumentales du bâtiment.

La visite se poursuit au deuxième étage rouvert fin 2022, le reste du musée devant suivre au printemps prochain. Notre guide rappelle le don en 1976 par Pierre et Denise Lévy, industriels fondateurs de Lacoste bien connus des Troyens, de 2 000 œuvres réalisées entre 1850 et 1950. Pour accueillir cette collection exceptionnelle, la Ville a réaménagé l’ancien palais épiscopal, devenu le Musée d’art moderne inauguré en 1982. Les œuvres de Marinot et Derain, tous deux amis intimes des Lévy constituent les deux fonds principaux suivis par le fonds La Fresnaye. Par contre très peu d’impressionnistes, et seulement trois Picasso dont un bronze et une céramique. Notre collègue explique qu’on a affaire à une « collection de collectionneurs », constituée d’après leurs gouts personnels sans souci d’exhaustivité. Ils ont par exemple acheté trois collections déjà constituées d’art africain ou océanien présentées dans des vitrines.

Pendant les travaux la scénographie a été repensée pour mettre en valeur la charpente du XVIIe et surtout par souci de pédagogie et de confort du visiteur, d’où des panneaux explicatifs concis et aux couleurs douces, des cartels très lisibles et des espaces dédiés aux enfants. De courtes citations d’artistes ou d’écrivains illustrent chaque courant artistique comme celle de Courbet, maitre du réalisme, qui affirme qu’il ne peint pas d’anges car il n’en a jamais vu, ce qui ne l’empêche pas de peindre la neige en bleu, ou de Derain, maitre du fauvisme, projetant ses couleurs violentes comme des « bâtons de dynamite ». Pédagogique aussi l’exposition côte à côte du portrait de Jeanne Hébuterne par Modigliani et d’un masque africain.

Modigliani, Jeanne Hébuterne et masque africain

La collection est déroulée par ordre chronologique, du réalisme au cubisme orphique inspiré par Apollinaire, en passant par les postimpressionistes, les Nabis et les Fauves, ménageant des « pauses thématiques » comme celle intitulée La Modernité qui place en vis-à-vis deux grands tableaux de Vuillard représentant une usine d’armement de la région lyonnaise commandés en 1917 par son directeur puis achetés par Pierre Lévy. Un autre pause, Paris, ville lumière, donne à voir Le quai des Grands-Augustins de Marquet et le Moulin de la Galette de Van Dongen.

Impossible de nommer tous les artistes, ils sont tous là ou presque. Outre ceux déjà rencontrés citons Rodin, Daumier, Degas, Seurat, Bonnard, Gauguin, Chabaud, Denis, Vallotton, Matisse, De Vlaminck, Zadkine etc.

La visite se termine devant Les Coureurs de Delaunay, star du musée en cette année olympique, surtout à cause de la découverte lors d’une restauration, d’un énigmatique portrait de femme dissimulé sous un badigeon blanc au dos du tableau, lequel s’est révélé être celui de Bella Chagall. De quoi alimenter les recherches et les discussions entre historiens de l’art pendant quelque temps. Le tableau est présenté devant un miroir qui permet de voir le verso.

A l’issue de la visite, M. le président n’a pas manqué de remercier chaleureusement notre collègue qui a su nous tenir en haleine pendant près de deux heures, y compris en laissant quelques questions sans réponse, histoire de stimuler notre réflexion.