Conférence du 6 mars 2024, par M. Bastien Dubuis, doctorant, responsable de recherches à l’INRAP, inventeur de la tombe de Lavau en 2014.
Salle comble pour la conférence de M. Bastien Dubuis.
Grâce aux nouvelles méthodes et technologies mises en œuvre à Lavau, M. Dubuis a repris en 2019 les investigations sur le site de Vix fouillé en 1953 avec les moyens de l’époque, dans la boue et dans l’eau : pas de prélèvement en bloc, des restaurations « violentes », peu de documentation de terrain, pas de relevé stratigraphique, pas de remise en contexte du tumulus. Résultat, de nombreuses données définitivement perdues.
À Lavau, les recherches se sont déroulées à différentes échelles, du territoire à l’infiniment petit (pollen, ADN etc.) en passant par le paysage, le monument funéraire et la cérémonie, la tombe, le mobilier, le squelette. Les deux premières utilisent des méthodes « non intrusives » telles que la photographie aérienne ou la prospection électromagnétique permettant de « voir à travers » le sol. Elles ont révélé un tissu très dense d’habitat et de nécropoles protohistoriques dans les vallées de la Seine et de l’Aube. Lors des phases « intrusives » telles que la fouille, on s’efforce de préserver l’information au maximum en travaillant sur plateaux suspendus, procédant par étapes et documentant minutieusement chacune d’elles (plus de 16 000 clichés). Cette approche multi scalaire, sujet de la thèse de doctorat de M. Dubuis, mobilise des équipes pluridisciplinaires très spécialisées et des technologies de pointe qui permettent de « faire parler » les pollens, les os (le prince a été victime d’une chute de cheval), les métaux (on a pu déterminer que le char de Lavau a roulé), les protéines (le chaudron enduit de poix contenait du vin rouge aromatisé au miel, herbes diverses et fleurs de tilleul).
Parmi les technologies utilisées à Lavau et inexistantes au moment de la fouille à Vix, on peut citer le SIG (système d’information géographique) capable d’obtenir en peu de temps des cartes d’une grande précision à différentes échelles en combinant de multiples données. Elle a permis notamment de déterminer la très vaste aire de visibilité du tumulus princier de Lavau dans la plaine de Troyes. Citons également le scanner 3D qui permet de reconstituer des objets à partir de fragments et l’imagerie HIROX qui a fait apparaitre un filigrane d’étain sur un brassard ou une broderie d’argent sur une ceinture alors que le cuir, matériau principal, a disparu.
Comme il a été dit précédemment, à Vix de nombreuses informations ont été perdues. Par exemple les pollens et autres micro-organismes sont partis dans le pompage de l’eau qui inondait le chantier. Aucune analyse stratigraphique n’avait été réalisée et n’a pas été possible non plus en 2019 la terre ayant été remise en vrac dans l’excavation. Tout juste a-t-on pu localiser la provenance des matériaux, à plusieurs kilomètres en amont en bord de Seine. Cependant M. Dubuis a fait prélever 70 m3 de ce remblai pour un examen post-fouille qui a mis au jour 1500 restes de la tombe princière, os, fragments du char, objets de parure ou de vaisselle, dont un petit bloc de quatre pieds de chevaux, seul élément manquant à la frise qui orne le fameux « vase ».
Cette nouvelle fouille a permis notamment d’affiner la datation de la tombe, faisant de la princesse de Vix la contemporaine du prince de Lavau. Peut-être se sont-ils connus mais les analyses ADN ont exclu toute parenté.
Par contre, à Lavau, l’ADN a établi un lien génétique entre le prince et d’autres personnages inhumés dans des tombes voisines ainsi qu’une origine en partie méditerranéenne de la famille. Cette découverte combinée avec une étude stylistique du mobilier funéraire faisant apparaitre une « ambiance culturelle mixte » italo-celtique, ouvre de nouvelles perspectives sur les échanges de l’époque qui, semble-t-il, n’étaient pas seulement commerciaux.