Conférence publique du 3 avril 2024, par M. Matthieu Micoulaut, enseignant chercheur à Sorbonne Université, Membre résidant de la Société académique de l’Aube

Ce mercredi, une fois n’est pas coutume, nous recevons un membre résidant de notre Société, enseignant chercheur à Sorbonne Université. Dans son laboratoire de physique théorique de la matière condensée, notre collègue mène avec ses étudiants une recherche fondamentale sur les batteries de nouvelle génération en collaboration avec le CNRS et les universités d’Amiens et de Montpellier, soutenue financièrement par la Fondation MAIF pour la recherche, les assurances étant très intéressées par le sujet.

M. Micoulaut expose la problématique. À l’horizon 2050, on prévoit 10 milliards d’habitants sur notre planète et un doublement de la production d’électricité, principalement par des sources d’énergies renouvelables mais intermittentes, solaire et éolien par exemple, d’où la nécessité de stocker cette électricité pour la restaurer quand nécessaire.

Une des meilleures façons est de convertir l’énergie chimique en énergie électrique dans des accumulateurs, que tout le monde appelle batteries, fonctionnant sur la base d’un échange d’électrons entre une électrode positive et une négative par l’intermédiaire d’un électrolyte, processus utilisant une  réaction d’oxydo-réduction réversible autrement dit rechargeable. Dans les classiques batteries de nos voitures, les électrodes à base de plomb baignent dans un mélange d’eau et d’acide sulfurique. Inconvénient, leur poids, rédhibitoire pour un usage « nomade », par exemple sur les véhicules électriques. Pour faire 50 km en vélo, il faudrait une batterie de 15 kg, alors qu’une batterie au lithium de 4 kg suffit. L’enjeu consiste à augmenter la densité d’énergie de la batterie, c’est-à-dire une quantité d’énergie fournie rapportée au poids ou à l’encombrement. Le lithium, métal très léger, mou, brillant, facile à mettre en forme et qui libère facilement un électron pour créer des ions lithium, est une bonne solution mais il réagit avec l’eau et l’air humide d’où la nécessité d’utiliser un électrolyte organique.

Une batterie « au lithium » ou lithium-ion se compose ainsi d’une électrode en alliage de lithium, une en graphite, un électrolyte à base de sel de lithium dissous dans mélange de carbonate d’éthylène. Entre les deux,  un « séparateur poreux ».

Pour assurer la transition vers les véhicules électriques, on mise énormément sur les batteries de type lithium-ion, faisant du lithium « l’or blanc » du XXIe siècle pour les pays qui en sont pourvus, principalement en Amérique latine. En une décennie, le volume utilisé a triplé et son prix a été multiplié par 18 ! Si on considère en outre que la Chine contrôle plus de la moitié de la filière, on comprend qu’il est nécessaire d’envisager d’autres technologies.

Citant Jules Verne, le conférencier voit dans le sodium une solution très prometteuse notamment en raison de sa présence en quantité illimitée dans les océans, même si ses performances sont pour l’instant inférieures à celles du lithium. Une enseigne de bricolage commercialise déjà une visseuse équipée d’une batterie au sodium-ion.

Autre problème, la sécurité. Les batteries au lithium présentent à ce sujet des risques inhérents à leur technologie tels qu’incendie ou explosion, d’où l’intérêt de la MAIF pour le sujet. La probabilité est certes très faible, une batterie sur 10 000, mais néanmoins réelle, le récent incendie des Éts Regnault à Creney en témoigne. La solution ? La batterie « tout solide » avec électrodes composites et électrolyte solide qui de surcroit permettrait un gain de place et d’autonomie. Mais cette solution se heurte à des « verrous scientifiques » : quel électrolyte pour obtenir une conductivité suffisante ? Quels composants pour les électrodes ? Les recherches de notre collègue visent entre autres choses à faire sauter ces verrous.

Parmi les sujets évoqués dans les questions de l’assistance, les possibilités de recyclage du lithium et les ressources de ce métal en France, notamment en Alsace et dans l’Allier (projet Émili), ce dernier source d’une polémique sur ses impacts environnementaux.