Conférence du 7 février 2024 par le docteur Michel Van Rechem
Le Docteur Van Rechem est venu nous livrer son expérience. Le recul de l’histoire, bien qu’encore assez faible, permet ce travail rétrospectif, « ce regard personnel sur un fait objectif », car, comme le rappelle M. le Président dans son introduction, le Dr Van Rechem, médecin urgentiste, président du conseil de l’ordre des médecins de l’Aube, était à l’époque chef du service hospitalier qui a pris en charge les malades de la covid-19.
Sa présentation s’ouvre sur l’affiche du film « Contagion » sorti en 2011, qui affirme en surtitre « rien ne se propage comme la peur », film visionnaire qui avait décrit ce que nous avons vécu en 2020. Il y avait matière, la grippe « espagnole » qui avait causé au moins 20 millions de morts, la grippe asiatique de 1957, la grippe aviaire de 1975 et, plus proche de nous, la grippe porcine H1N1 de 2009. Tout avait été anticipé, des millions de masques et de doses de vaccins avaient été achetés. Dans l’Aube une cellule de crise avait été mise en place sous la direction du préfet, un plan de confinement pour éviter une possible saturation des hôpitaux avait été envisagé ainsi que la mise en place d’un centre de vaccination au stade de l’Aube. Résultat, « seulement » 323 morts en France, une réussite de santé publique, mais fiasco médiatique, on s’est moqué, « tout ça pour ça », et on a jeté un grand nombre de masques quand ils ont atteint leur date de péremption…
Puis sont arrivés les coronavirus. Grande famille de virus connue depuis longtemps comme cause de petits rhumes, elle s’est soudain mise à produire des syndromes respiratoires aigus, parfois mortels, SRAS en Chine en 2002, MERS au Moyen-Orient en 2012. Dans les deux cas les virus ont été transmis aux humains par des animaux, mais la propagation reste géographiquement limitée, d’où les hésitations consécutives à l’apparition du sars-cov 2 à Wuhan fin 2019. Du fait que la plupart des contaminés sont asymptomatiques, donc non identifiés, et de la connexion de cette ville chinoise à de nombreux réseaux de communication, la propagation est foudroyante :
Premiers cas en Europe le 20 janvier 2020, le 31 janvier l’OMS déclare l’état d’urgence de santé publique, le 6 mars la maladie arrive dans l’Aube, le 14 le Dr Van Rechem reçoit ses premiers malades identifiés covid et le lendemain, premier tour des élections municipales, les médecins de Mulhouse lancent un cri d’alarme. Le Dr Van Rechem a soigné des assesseurs.
Toute infection entraine une réaction immunitaire de l’organisme et souvent une inflammation. Ce qui est nouveau avec le sars-cov.2, c’est la violence de la réaction chez certains patients, le conférencier parle de « cascade inflammatoire » qui peut provoquer la mort en une journée. Du jamais vu. La prise en charge des cas graves, qui mobilise un personnel nombreux, pose un gros problème de gestion des équipes, les soignants eux-mêmes craignant pour leur vie et celle de leur famille. Face à cette situation une seule réponse possible pour échapper à la saturation des hôpitaux, et aux 100 000 morts redoutés à la fin mars, le confinement strict mis en place le 17 mars.
Les soignants sont confrontés à des problèmes d’éthique inédits dont « le tri des patients » n’est pas le moindre. Il y a aussi le report des actes médicaux non vitaux, la gestion des décès dans la cadre du confinement, auxquels s’ajoutent la désinformation sur les réseaux sociaux et « l’infodémie » autrement dit un matraquage médiatique anxiogène. Le côté positif est la mise au point de nouvelles technologies de soins, de nouveaux tests, la télémédecine et le télétravail, le renforcement du travail en équipe y compris en associant l’hôpital et la « médecine de ville », la valorisation des soignants.
Dans une deuxième partie l’intervenant évoque la vaccination qui a permis de sortir de la crise, au prix d’une forte incitation des récalcitrants par la mise en place du passe sanitaire. Compliqué de convaincre les jeunes qui courent peu de risques pour eux-mêmes qu’ils sont des vecteurs de la contagion. Il rappelle que l’ARN-messager, si dénigré par les « antivax », n’est pas une nouveauté, que sa découverte a valu un prix Nobel à deux Français dans les années 1960 et un autre à deux Américains dans les années 1980, recherches poursuivies dans les années 1990 par la Hongroise Katalin Kariko, prix Nobel 2023, la technologie qu’elle avait développée s’étant révélée décisive dans la mise au point du vaccin par BioNTech en 2020.
Il se félicite du succès de la campagne de vaccination dans l’Aube malgré la complexité de la logistique à mettre en œuvre. Son point fort a été la réquisition du Cube qui a permis une vaccination de masse, jusqu’à 3 000 en une seule journée. Des ministres sont venus sur place pour s’informer. Dans l’Aube, le 24 octobre 2021, 75 % de la population est vaccinée.
Bilan après de multiples vagues : un taux de létalité de 0,4% contre 1% estimé sans vaccination, 169 000 morts en France.
Dans une dernière partie intitulée « résilience » le docteur évoque les conséquences à court et à long terme. La première est la prise de conscience de notre vulnérabilité et de notre dépendance, d’où une relance de la fabrication des masques et du gel hydro-alcoolique impliquant jusqu’aux fabricants de cosmétiques. A long terme c’est notamment la mise en place au niveau européen du plan ATHINA qui renforce les capacités de l’Europe à prévenir, détecter et répondre rapidement aux urgences sanitaires transfrontalières, y compris par la recherche de renseignement à l’étranger, particulièrement en Chine.
En conclusion, même si l’OMS a déclaré la fin de la pandémie le 23 mars 2023, il faut rester vigilant, encore deux morts par mois dans l’Aube, et « apprendre à être surpris ».
A l’issue de la conférence, le Dr Van Rechem a répondu aux nombreuses questions de l’auditoire, une cinquantaine de personnes, à qui M. le Président a donné rendez-vous le 6 mars avec M. Bastien Dubuis, archéologue, inventeur de la tombe de Lavau.