Conférence du mercredi 16 octobre 2024, par M. Marc Thonon, directeur de la société Okénite animation et membre associé de notre Compagnie.

Ce mercredi, nous recevions notre collègue Marc Thonon, directeur de la société Okénite animation pour une conférence de haut niveau dont le titre en forme de jeu de mots souligne le caractère tant fabuleux qu’inquiétant de l’intelligence artificielle et des technologies du numérique.

En introduction M. le président rappelle les réalisations et les projets d’Okénite dans le domaine de l’imagerie numérique concernant la ville de Troyes, par exemple une carte de Troyes au XVIIIe siècle en 3 D, prévue pour 2025.

Il semble que le terme « jumeaux numériques » (digital twins), désignant un modèle virtuel reflétant « fidèlement » un objet physique, ait été introduit en 2002 par John Vickers, ingénieur de la NASA, lors d’un programme associé à la recherche spatiale. C’est l’époque des premiers métavers, jeux en ligne permettant aux joueurs, incarnés par un avatar, de se déplacer et se rencontrer dans un monde virtuel. Du reste, l’industrie du jeu vidéo a été et est toujours un stimulateur du développement des technologies liées à la datavisualisation ou visualisation de données qui consistent à transformer en images, notamment en cartes, des données chiffrées.

Les jumeaux numériques ne servent pas qu’au jeu

Ils permettent de représenter virtuellement des systèmes ou objets existants ou à construire pour les tester, suivre et anticiper leur évolution. Notre collègue montre l’exemple d’un viaduc, d’un moteur et d’une distillerie de cognac. Dans ce dernier cas le jumeau numérique créé par Okénite, connecté à de multiples bases de données permet à son patron de suivre sur son téléphone ce qui se passe chez lui, même depuis le bout du monde. Autre exemple, Okénite a créé pour Enedis, le système SYLV-IA qui lui permet de suivre de loin la croissance des végétaux et même la présence potentielle de nids d’oiseaux sous une ligne à haute tension. À quand la connexion à un robot élagueur ?

L’exemple le plus spectaculaire est ce jumeau de la Terre connecté à de nombreux satellites qui l’alimentent en données toutes les trois heures permettant d’observer la météorologie mondiale en temps réel. Cet outil permet aussi d’afficher quasi instantanément d’autres paramètres comme la pollution.

Site Web : https://earth.nullschool.net/fr/

Surveillance d’une distillerie de cognac
Le système SYLV-IA créé pour Enedis

Les métavers sont la version ludique des jumeaux numériques.

Depuis 2002, les ingénieurs les ont rendus de plus en plus addictifs, permettant de dégager des profits gigantesques. M. Thonon cite l’exemple en 2021 d’un concert virtuel d’une durée de 10 minutes du rappeur américain Travis Scott qui a réuni près de 30 millions de joueurs spectateurs et lui a rapporté 20 millions de dollars soit 20 fois la recette d’un concert physique.

Ces avancées technologiques amènent le conférencier à aborder la question sociétale en rappelant que nous sommes déjà tous connectés par l’intermédiaire d’objets divers tels que montres, ordinateurs, navigateurs GPS ou téléphones portables qui alimentent des bases de données. Nous sommes face à des algorithmes plus rapides que nous, les bots, minirobots qui agissent sans intervention humaine. L’intelligence artificielle collecte systématiquement des données et s’enrichit toujours plus vite. Aujourd’hui, plus de 50 % du trafic sur le Web est généré par des bots. Comme on l’a vu précédemment elle peut être très bénéfique mais devenant de moins en  moins contrôlable, elle peut aussi être source d’inquiétude, d’où le titre de cette conférence. Et si, avec le temps, nos sociétés faisaient plus confiance à l’intelligence artificielle qu’à l’intuition et l’analyse humaine ?

Si dans nos sociétés occidentales elle est déjà utilisée pour mieux cibler les publicités ou créer des addictions, dans certains pays elle sert à contrôler les populations. La Chine en est l’exemple emblématique.

Pour conclure, l’intelligence artificielle répond très bien aux exigences sociétales d’accélération des tâches pour des raisons de rentabilité ; mais n’avons-nous pas franchi la limite d’un système qui ne correspond plus à nos besoins fondamentaux humains, comme la nécessité d’avoir des doutes ?  

Notre collègue termine en rappelant que l’IA n’est qu’un outil à notre service et, citant Aristote, ne doit pas nous faire perdre notre pensée discursive nous permettant de mettre en perspective et d’argumenter. Là où nous voyons les ombres d’un cylindre sur deux axes, l’IA peut ne voir qu’un cercle ou un rectangle !